Une petite digression qui m'a déjà traversé l'esprit : qu'est que l'art réussi ? Est-ce qu'on réussit son oeuvre d'art parce qu'on la rend belle, ou est-ce qu'on la réussit parce qu'on sait y faire passer de l'émotion ?
Pour certains, l'art doit d'abord être beau. On mesure l'art en termes techniques, en observant s'il respecte des contraintes spécifiques, s'il est "aux normes de la beauté". On y utilise des éléments complexes, que ce soient des formes ou des méthodes en peinture, des prouesses techniques en musique, des termes techniques en poésie... Et pourtant, que dire de tous ces efforts si le rendu final est fade et sans âme ?
Je perçois davantage l'art comme un message d'émotions, évocateur d'ambiances et de sentiments. Qu'importe qu'il soit moins beau, qu'importe qu'il soit plus froid, qu'importe qu'il soit plus cruel : des thèmes tels que le mal-être, la mélancolie, la mort ou la dépression ne seront jamais efficacement transportés par un art "beau". Dès lors, on y utilisera des tons plus noirs en peinture, des sonorités plus agressives ou torturées en musique, des termes plus crus en poésie... Sera t-il pourtant de moindre qualité ? Je ne pense pas. Et au moins, il sera plus parlant.
Revenons à notre art "beau" alors. A trop rechercher la beauté, ne perd t-on pas progressivement tout ce courant d'émotions qu'il pourrait transporter ? Cette beauté ne serait-elle pas alors la ruine de l'âme pour cet art, le privant de toute sa force évocatrice ?
Alors artistes, je compte sur vous pour être les artisans de l'émotion et non les seuls fabricants de la beauté.